Vernissage
Exposition
Beautés intérieures
Des fleurs dans la tête…
Voici une étonnante série de personnages masqués plus mélancoliques que grotesques. Certains ont des fleurs en guise de chevelure, de chapeau ou de pensée. Un bouquet à la place du cerveau, malgré la tristesse qui semble les définir. D’autres subissent des déformations qui nous les rendent encore plus fragiles, vulnérables, complexes.
Dans l’art, l’histoire du portrait peint est multiple et complexe. Du portrait d’apparat au portrait éclaté de ce début de millénaire en passant par le portrait intime de la modernité, le peintre a constamment renouvelé les stratégies de représentations de la figure humaine. Cette fois, à travers une enquête du plan rapproché, Scheffer propose une exploration sur la métamorphose du personnage.
La palette est fauve, comme dans le précédent travail de l’artiste. Mais cette fois, la sauvagerie du geste se nuance d’une sensualité savante et raffinée. Dans cette série, de grands espaces de blancs crayeux recouvrent la carnation réelle comme les maquillages de personnages de la comédie humaine. Par contre, ce qui est difficile à dissimuler, c’est la place qu’occupent les têtes masquées dans l’espace pictural. Têtes invasives, provocantes, incontournables, inoubliables.
Le peintre use de grande habilité dans la maitrise des effacements colorés, dans la tache couvrante et les beaux effets de matière. L’artiste est très sensible, dans cette déferlante de bleu que rythment les jaunes, les rouges, les cramoisis et les pourpres. La palette vive crée une tension toujours sensuelle, tantôt chaude, tantôt froide, qui nous laisse le désir de revoir ces têtes déroutantes, morceaux ravagés d’humanité.
La mélancolie mène le jeu quand le bleu voile le regard. Bleu de cérule comme des pans de ciel. Masque cireux qui évoque la mort. Tête de gisant. Plus d’une fois, l’humain passe à travers le masque et réapparaît, dans le vide du regard sensible.
La plupart du temps les personnages sont seuls. Quelque fois s’installe un dialogue entre deux personnages masqués comme des Arlequins qui en ont gros sur le cœur. Le solitaire devient duo et foule silencieuse qui se croise, s’esquive dans le beau jeu formel de la transparence colorée. La peinture est un lieu d’émotion dans ces allers- retours entre l’être, ses apparences et le métier du peintre qui les donne à voir.
Maryse Chevrette, historienne de l’art.