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Un parcours imprévu
Àl’atelier de Jean-Louis Émond règne un savant désordre avec de-ci, de-là, des îlots où sont groupées des sculptures de toutes matières: bronze,
marbre, bois exotiques mais surtout acier inoxydable. Sur une table se déploie un lit de terre glaise sur lequel reposent de petites feuilles d’inox. Pour terminer cette sculpture, l’ar- tiste va les souder, les assembler et former une structure ajourée. L’œuvre polie et finie se rapprochera ainsi de ce qui pourrait être tout autant un monde végétal qu’un corps féminin. Magicien, Jean-Louis Émond s’amuse de ces hybri- dations à mi-chemin entre l’organique et la suggestion de la figure.
Joie d’imaginer la vie. Joie d’imaginer l’art. Vitalité du geste et des manipulations du «faire». Avec de telles lignes de force, la sculpture allie les composantes linéaires en des mouvements fluides et sinueux dans une rythmique bien maîtrisée. Jouant sur la souplesse et l’élasticité des métaux, ces prouesses techniques semblent matérialiser une circu- lation d’énergie. Travaillant dans l’espace et en trois dimen- sions mais dans une expression parfois quasi graphique, Jean-Louis Émond pense en fait sa sculpture «à la main».
Pour cette exposition intitulée Un parcours imprévu, Émond s’attarde sur de multiples scènes qui ont en commun une forme de méditation. Comme autant de haïkus visuels, il nous amène à contempler, très zen, des instants comme en arrêt. La cime dentelée des arbres entre lac et chemin. Des empreintes amalgamées de pas. Une silhouette se dres- sant à l’horizon. Des bancs publics offerts au passant. Un pont avec sa grande arche à traverser. Ces œuvres sont souvent réalisées en bas-reliefs et construites à partir de multiples éléments apposés à une feuille de métal. Devant elles, nous sommes en attente alors que l’on pressent que quelque chose va arriver. Même si ce n’est qu’un événe- ment anodin, - le métro qui arrive à la station par exemple -, cette situation aiguise notre imagination. Y répondent avec ironie les titres des œuvres. Pour Jean-Louis Émond, ce sont des passages. Une manière bien à lui de cristalliser et de savourer l’instant fugitif comme en suspension. Ce sont les moments qui semblent vouloir s’échapper qui intéressent le sculpteur comme si ce dernier voulait retenir le temps dans ses rutilants filets d’acier.
René Viau Critique d’art / Art critic
 




























































































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