Page 4 - Catalogue-JLEmond
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Nous ne sommes pas au monde
Un voilage de motifs occupe dans ces toiles le champ visuel. Ces rideaux se construisent de patterns sculptés en entaille dans le bois, puis estampés par le peintre à la surface de sa toile.
En un effet d’apparition et disparition, le motif prolifère et se dissous. De l’ombre se dégagent des accents de couleur vive. Ces éclats s’accrochent aux aspérités du motif ou à des détails divers, vêtements ou parcelles de tissus, mains, zones périphériques de la toile. À travers ces entrelacs, des personnages au crâne nu baignent dans le gris. Une étrange lumière de cristal illumine brillamment leurs contours qui émergent. Ils se retrouvent comme captés dans le faisceau d’un projecteur imaginaire.
Se confondant aux grilles qui les emprisonnent, les silhouettes fantomatiques obtenues par cet effet de lumière accentuent en même temps la disposition plane du tableau. Celles-ci semblent évoluer en flottant dans un espace vide. Peut-être celui, familier, du quotidien? Peut-être aussi celui du néant?
Ces corps s’y meuvent dans une clarté lunaire. Ces figures humaines indistinctes ne peuvent se définir que par leur tendance à l’indéfini. Des oiseaux parfois les survolent dans un froissement d’ailes et de plumes. Certaines figures appa- raissent morcelées, comme atteintes d’une déflagration qui les aurait sectionnées et découpées en lambeaux rectilignes.
Où sommes-nous ? Ces peintures nous transportent-elles dans un univers de science-fiction? Le territoire qu’elles arpentent semble à la fois proche et familier mais aussi secret et inaccessible. L’étrangeté rayonne.
Une toile donne son titre à l’exposition de cette quinzaine d’œuvres récentes. « Nous ne sommes pas au monde ». La citation est empruntée à Arthur Rimbaud. Elle est extraite d’une lettre écrite en 1891 par sa sœur Isabelle qui relate à sa mère les derniers jours de Rimbaud agonisant, de retour d’Afrique.
Ce fulgurant poète n’a cessé depuis son adolescence d’être relu avec passion par Jérôme Poirier qui, hanté alors par ce «voyant», en avait fait l’un de ses auteurs de chevet.



























































































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